[Droit bancaire] Spoofing : aucune négligence grave de l’usager bancaire selon la Cour de cassation

Maître Amaury Ayoun, avocat au Barreau de Marseille, intervient régulièrement en droit bancaire dans les intérêts de victimes d’arnaque ou fraude bancaire au faux conseiller dite spoofing.    

Par décision en date du 23 octobre 2024[1], la  chambre commerciale Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par l’établissement bancaire contre l’arrêt très médiatisé de la cour d’appel de Versailles du 28 mars 2023[2], qui avait considéré que l’usager bancaire, trompé par un faux conseiller bancaire agissant avec le mode opératoire du « spoofing»[3], n’avait pas fait preuve de négligence grave en procédant à des opérations bancaire sur instructions de son interlocuteur.

Dans son arrêt du 23 octobre 2024, la Cour de cassation rappelle tout d’abord qu’ « il incombe au prestataire de services de paiement de rapporter la preuve d’une négligence grave de son client ». La règle désormais bien connue, figurant à l’article L. 133-19, IV du Code monétaire et financier (et de l’article L. 133-23), est strictement appliquée par la Cour de cassation[4]. La preuve de la négligence grave ne se déduit pas de la seule utilisation des instruments de paiements ou des données confidentielles[5].

Du reste, exerçant un contrôle léger de la motivation de la cour d’appel de Versailles qui avait constaté que l’escroc avait pu faire afficher le numéro de téléphone du conseiller clientèle de sa victime et ainsi obtenir sa confiance, la Haute Juridiction retient que « de ces constatations et appréciations, la cour d’appel a pu déduire que la négligence grave de M. [J] n’était pas caractérisée ».

La Cour de cassation a tout de même tenu à publier l’arrêt au Bulletin et préparer un communiqué à son sujet, dans lequel elle rappelle de manière très pédagogique qu’« au regard des circonstances dans lesquelles l’escroquerie a eu lieu, il ne peut être reproché au client d’avoir commis une négligence grave. ». 

Il faudra donc relativiser l’en-tête tapageur du communiqué indiquant que « le client qui se fait piéger au téléphone par un faux conseiller bancaire ne peut se voir reprocher par sa banque d’avoir commis une négligence grave.  Il a donc le droit d’être remboursé par sa banque des virements frauduleux. » ainsi que la problématique que le communiqué expose (« Une personne qui contribue indirectement à se faire escroquer en suivant les consignes d’un faux conseiller bancaire commet-elle une négligence grave qui la prive du droit à être remboursée par sa banque ? »). 

Dans d’autres circonstances, la négligence grave de l’usager bancaire pourrait faire débat, notamment si le numéro de téléphone de l’appel reçu n’est pas celui de la banque. La matière demeure en effet très casuistique. La classification de cette affaire par la Cour de cassation paraît cependant témoigner une certaine bienveillance à l’égard des victimes de fraude.

Maître Amaury Ayoun, avocat à Marseille, assiste les victimes de fraudes bancaires au faux conseiller. 

Vous pouvez nous joindre par téléphone au 04 84 25 40 95 ou par mail : avocat@amauryayoun.com  


[1] Cass. com., 23 oct. 2024, n°23-16.267 ; B

[2] CA Versailles, 28 mars 2023, n°21/07299 ; LEDB juin 2023, n° DBA201m9, obs. J. Lasserre Capdeville ; Gaz. Pal. 2023, 6 juin, n°19, p. 22, note J. Lasserre Capdeville

[3] V. notre article du mois d’août 2023 portant sur « Arnaque ou fraude bancaire au faux conseiller / spoofing ».

[4] Cass. com., 12 nov. 2020, n°19-12112 ; Publié au bulletin ; Gaz. Pal. 2021, 2 févr., p. 52, obs. C. Houin-Bressand ; Gaz. Pal. 2021, 19 janv., p. 16, obs. J. Lasserre Capdeville ; RTD Com. 2021, p. 173, obs. D. Legeais ; LEDB 2021, janv., n° 113r7, p. 1, obs. S. Piédelièvre.

[5] Cass. com., 2 oct. 2007, n°05-19.899 ; Bull. civ. 2007, IV, n°208 ; Cass. civ. 1ère, 28 mars 2008, n°07-10.186 ; Bull. civ. I, n°91 ; Cass. com., 21 sept. 2010, n°09-16.534, inédit ; Cass. com., 1er mars 2016, n°14-22.946, inédit.

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