[Finances] Responsabilité du conseiller en gestion de patrimoine (CGP) suite à une opération de défiscalisation Girardin

Avocat à Marseille, Maître Amaury AYOUN intervient en défense des investisseurs, dans des contentieux liés à la responsabilité du conseiller en gestion de patrimoine, notamment suite à une opération de défiscalisation

Un récent arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 20 novembre 2024[1] illustre les conditions la mise en oeuvre de la responsabilité du conseiller en gestion de patrimoine suite à une opération de défiscalisation reposant sur l’article 199 undecies B du Code général des impôts, dit Girardin.

Cette disposition permet aux contribuables de bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu à raison des investissements productifs réalisés en outre-mer mis à la disposition d’une entreprise dans le cadre d’un contrat de location.

En l’espèce, un client avait ainsi investi 33 000 euros dans les comptes courants de plusieurs entreprises afin de financer l’acquisition de centrales photovoltaïques destinées à être louées.

L’administration fiscale avait toutefois remis en cause l’avantage fiscal en opérant fiscal d’un montant de près de 60 000 euros au motif que les centrales photovoltaïques financées n’avaient pas été raccordées au réseau électrique avant le 31 décembre de l’année de l’investissement. Le contribuable a alors engagé la responsabilité de son conseiller en gestion de patrimoine pour manquement à son obligation contractuelle.  

C’est dans ces conditions que le client a assigné son conseiller en gestion de patrimoine en responsabilité contractuelle sur le fondement de l’ancien article 1147 (devenu 1231-1) du Code civil. La cour d’appel de Paris retenait que, faute de dépôt auprès d’EDF d’une demande de raccordement au 31 décembre, le conseiller en gestion de patrimoine avait manqué à son obligation de fournir un service d’investissement conforme aux conditions légales nécessaire à l’obtention de l’avantage fiscal et le condamnait à réparer ses préjudices matériels et immatériels.

I – LA RESPONSABILITÉ DU CONSEILLER EN GESTION DE PATRIMOINE QUI NE FOURNIT PAS UN INVESTISSEMENT ÉLIGIBLE À LA RÉDUCTION FISCALE :

Pour confirmer la solution de la cour d’appel de Paris, la chambre commerciale de la Cour de cassation se pare d’une formule tonitruante dans son attendu de principe : « Il résulte de l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, que le monteur d’une opération de défiscalisation, qui la conçoit et en suit l’exécution, est tenu d’une obligation contractuelle de fournir un investissement satisfaisant aux conditions de son éligibilité à la réduction fiscale. ». 

Selon un auteur, « si la formule retenue en l’espèce mérite d’être relevée, la solution n’a rien de surprenant »[2]

En effet, sur le fond, un précédent arrêt en date du 30 mai 2024 de la Cour de cassation (Cass. 2ème civ., 30 mai 2024, n° 22-16.275, B) avait déjà retenu au sujet de ce même investissement que « le paiement de l’impôt mis à la charge d’un contribuable à la suite d’une rectification fiscale lui refusant le bénéfice de la réduction d’impôt escomptée d’une opération de défiscalisation ne constitue pas un dommage indemnisable, sauf s’il est établi que, sans la faute des personnes en charge de cette opération dont la responsabilité est recherchée, ce contribuable n’aurait pas été exposé au paiement de l’impôt rappelé ou aurait acquitté un impôt moindre. ».

Dès 2020, la Cour de cassation avait retenu la responsabilité des auteurs du montage de défiscalisation d’un investissement similaire dans le secteur photovoltaïque (Cass. civ. 2ème, 24 sept. 2020, n°18-12.593 et n°18-13.726, B).

Comme le relève un auteur, l’arrêt est assez remarquable quant à l’identification du manquement, lequel a été apprécié au regard des conditions prévisibles du dispositif fiscal[3]

En effet, dans son arrêt du 20 novembre 2024, la chambre commerciale se livre à une analyse très précise des conditions prévisibles du dispositif fiscal : « Il ressort des articles 199 undecies B et 95 Q de l’annexe II du CGI, interprétés à la lumière de l’instruction fiscale n° 5B-2-07 du 30 janvier 2007 [4] relative à ces textes dans leur version applicable prévoyant déjà des réductions d’impôts à raison d’investissements productifs neufs et de la jurisprudence du Conseil d’Etat (CE, 4 juin 2008, n° 299278, n° 299309 ; n° 304245, n° 304246), que la notion d’investissement productif implique l’acquisition ou la création de moyens d’exploitation, permanents ou durables capables de fonctionner de manière autonome, de sorte que s’agissant d’investissement consistant en l’acquisition, l’installation ou l’exploitation d’équipements de production d’énergie renouvelable, tels ceux des centrales photovoltaïques, qui pour être effectivement exploités et productifs de revenus doivent être raccordés au réseau de distribution d’éléctricité, la condition d’une demande de raccordement adressée au gestionnaire du réseau était prévisible dès la date des investissements litigieux. »

C’est ainsi que la chambre commerciale en déduit que « les conditions prévues (…) pour la déduction de cet investissement n’étant pas remplies », le conseiller en gestion de patrimoine avait manqué à son obligation contractuelle « de fournir un investissement permettant l’obtention d’un tel avantage fiscal » 

II – UNE OBLIGATION ESSENTIELLE DE SECURISATION DE L’OPERATION PAR LE CONSEILLER EN GESTION DE PATRIMOINE :

Le Professeur Houtcieff observe que les obligations des « monteurs de défiscalisation » tendent à se devenir plus exigeantes au gré des décisions de justice, au point de mettre à leur charge une obligation principale et essentielle de « sécurité » juridique[5].

Selon lui, l’objet de l’obligation du monteur de l’opération de défiscalisation se déduit de la contrepartie convenue au profit du client (autrefois de la « cause » de l’obligation de ce dernier) et regrette que les juges du fond n’aient pas saisi l’opportunité de reconnaître l’obligation de sécurité du montage comme essentiel, moyen d’ailleurs soulevé par le client devant la Cour d’appel.

L’intérêt de cette qualification étant notamment d’appliquer aux conventions conclues avec les conseillers en gestion de patrimoine l’article 1170 du Code civil selon lequel « Toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite. », et purger le contrat de certaines clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité en la matière.

Nous savions déjà par ailleurs que l’éligibilité de l’opération à un avantage fiscal a pu être qualifié de qualité substantielle du bien vendu au sens déterminante du consentement du client, et donc de nature à emporter l’annulation du contrat (Cass. com., 22 juin 2022, n° 20-11.846, B) en cas d’erreur au sens des articles 1132 et suivants du Code civil.

On fera enfin observer que depuis la Loi de finance n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021, l’article 242 septies du Code général des impôts encadre l’activité professionnelle consistant à obtenir pour autrui les avantages fiscaux au titre d’investissements ultramarins.

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Notre cabinet est par ailleurs compétent pour résoudre des problématiques relatives aux droits des outre-mer.

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[1] Cass. com., 20 novembre 2024, n°23-14.351 ; B ; JCP G 2024, doctr. 1509, sépc. n° 4, obs. D. Houtcieff ; Dr. fisc. 2024, n° 51-52, comm. 400, obs. J.-L. Bédier ; LEDB 2025, n°1, janv., p. 7, DBa202p8, obs. N. Mathey.

L’arrêt est publié dans la Lettre de la chambre commerciale de mars 2025, spéc. n°15.

[2] N. MATHEY, obs. sous Cass. com. 20 nov. 2024, LEDB 2025, n°1, janv., p. 7, DBa202p8, obs.

[3] J.-L. BÉDIER, obs sous Cass. com. 20 nov. 2024,  Dr. fisc. 2024, n° 51-52, comm. 400, spéc. n°5.

[4] Instr. 30 janv. 2007, BOI 5 B-2-07

[5] D. Houtcieff, obs sous Cass. com. 20 nov. 2024,  JCP G 2024, doctr. 1509, sépc. n° 4, obs. D. Houtcieff

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