[Droit bancaire] Caution du dirigeant, le solde du compte de la société liquidée n’est pas exigible

Maître Amaury Ayoun est avocat à Marseille et intervient en droit bancaire. Il représente les cautions solidaires assignées en paiement par les établissements bancaires.

Un important revirement de jurisprudence vient d’être opéré par la chambre commerciale de la Cour de cassation dans son arrêt du 11 septembre 2024[1].

Cette décision devrait intéresser les dirigeants, anciens dirigeants ou associés qui se sont portés caution solidaire du solde du compte courant de leur entreprise, situation très classique en pratique.

Les faits de cet arrêt concernaient donc – sans grande surprise – une société holding qui s’était portée caution de tous les engagements de sa filiale envers sa banque à hauteur d’un montant de 150.000,00 euros.  La filiale étant placée en liquidation judiciaire, sa banque poursuivait aussitôt le la caution pour obtenir son paiement du solde débiteur du compte courant de la société en liquidation.

La Cour d’appel de Grenoble rejetait la demande de la banque, motif pris que la résiliation du compte courant n’avait pas été justifiée par le liquidateur, et que, par conséquent, le solde débiteur du compte courant de la société en liquidation n’était pas exigible.

La Cour de cassation confirme la décision après avoir elle-même exposé la problématique juridique dont il était question dans cette affaire.

La Cour de cassation rappelle en effet, que dans un arrêt du 13 décembre 2016[2] elle avait adopté la position strictement inverse et que cette « solution [qui] n’a[vait] pas été reprise par la jurisprudence ultérieure, a suscité critiques et interrogations de la doctrine ».

Dans son arrêt du 11 septembre 2024, la Cour de cassation renonce à sa précédente solution après avoir invoqué les dispositions de l’article L. 641-11-1, I du Code de commerce selon lequel « Nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d’un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l’ouverture ou du prononcé d’une liquidation judiciaire. ». On peut effectivement observer que la nouvelle solution est conforme à la lettre des dispositions relatives au droit des entreprises en difficulté.

Du reste, cette nouvelle position est également cohérente au regard des règles relatives au droit des procédures collectives puisque l’article R. 641-37 dispose que « Le liquidateur peut faire fonctionner sous sa signature les comptes bancaires du débiteur pendant un délai de six mois à compter du jugement prononçant la liquidation ou, au-delà, pendant la durée du maintien de l’activité autorisée par le tribunal (…) » ou surtout à celles du droit des sociétés puisque « la société prend fin (…) par l’effet d’un jugement ordonnant la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif ; » selon l’article 1844-7, 7° du Code civil et que par conséquent la seule ouverture de la procédure de liquidation judiciaire ne saurait entrainer la résiliation du compte courant[3].

Une plume autorisée a soulevé les nouvelles problématiques que pourraient générer cette nouvelle jurisprudence pour les établissements de crédit : en cas liquidation judiciaire avec poursuite d’activité, le liquidateur pourrait en toute hypothèse continuer à utiliser une ligne de crédit si une ouverture de crédit est attachée au compte. Si après avoir été mis en demeure, le liquidateur opte pour la continuation du contrat de compte courant, l’utilisation de l’ouverture de crédit, qualifiée de créance postérieure, pourrait peut-être engager la responsabilité de la banque vis à vis de la caution[4].

Nul doute toutefois qu’en pratique les établissements de crédit sauront résilier le compte à temps et se prémunir contre ce péril … Les difficultés des entreprises naissent d’ailleurs le plus souvent lorsque leur banque cesse de maintenir la position débitrice du compte et résilie celui-ci peu de temps après.

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Si la problématique de la défense de la caution bancaire du dirigeant vous intéresse, nous vous recommandons la lecture de notre précédent article relatif la liste des moyens de défenses des cautions pour tenter de se désengager, que nous tentons de mettre à jour régulièrement. 

Notre cabinet d’avocat en droit bancaire représente les cautions bancaires principalement devant les tribunaux de Marseille du ressort de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence (Digne-les-Bains, Draguignan, Grasse, Marseille, Nice, Tarascon, Toulon), et est régulièrement amené à intervenir sur tout le territoire national.

Les coordonnées du cabinet sont les suivantes : 

téléphone : 04 84 25 40 95 

mail : avocat@amauryayoun.com


[1] Cass. com., 11 sept. 2024, n°23-12.695 ; B ; Lexbase Affaires 2024, n°806, 19 sept., obs. V. Téchené ; Dalloz actualité, 25 sept. 2024, obs. B. Ferrari ; Lexbase Affaires 2024, n°807, 26 sept., obs. E. Le Corre-Broly ; LEDEN 2024, oct., n° DED202p2, obs. A. Cerati ;

[2] Cass. com., 13 déc. 2016, n° 14-16.037, Bull. civ. IV, n° 156 ; D. 1996, obs. P. Croq; RTD civ. 2017, p. 196, obs. P. Crocq ; APC 2017, n° 30, note F. Petit ;  Dalloz actualité, 10 janv. 2017, obs. X. Delpech ; Gaz. Pal. 2017, 21 févr., n° 8, p. 32, note M.-P. Dumont-Lefrand; LEDEN 2017, janv., n° DED110j1, obs. P. Rubellin ; BJE 2017, mars, n° BJE114k2, note N. Borga ; Banque & Droit 2017, n°172, mars-avr., p. 33, obs. Th. Bonneau ; RPC 2017, Comm. 27, note C. Gijsbers ;  RPC 2017, n° 64, obs. F. Reille ; RJ com. 2017, p. 356, obs. C. Lebel ; Lexbase Affaires 2017, 19 janv., n°495, chron., obs. P.-M. Le Corre.

[3] B. Ferrari, obs. sous Cass. com., 11 sept. 2024, Dalloz actualité, 25 sept. 2024.

[4] E. Le Corre-Broly, obs. sous Cass. com., 11 sept. 2024, Lexbase Affaires 2024, n°807, 26 sept.

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