[Droit bancaire] Nullité du cautionnement pour vice de consentement : quels moyens de défense pour la caution ?

Avocat en droit bancaire à Marseille, Maître Amaury Ayoun défend les cautions solidaires poursuivies par les établissements de crédit.


Le cautionnement est un contrat à haut risque pour celui qui le souscrit. S’il est considéré comme un acte de solidarité ou d’engagement familial dans certaines situations, il est, en pratique, souvent utilisé dans un cadre bancaire où la caution, personne physique, garantit la dette d’une entreprise ou d’un proche. Dans ce contexte, le consentement de la caution revêt une importance capitale : sans consentement valable, il ne peut y avoir d’obligation. L’arsenal juridique offre à la caution divers moyens de contester l’efficacité de son engagement. Parmi eux, les vices du consentement occupent une place singulière.

La jurisprudence admet la nullité du cautionnement pour erreur, dol ou violence, mais elle en encadre strictement les conditions. Notre cabinet vous propose ci-bas une brève analyse des voies contentieuses ouvertes à la caution en matière de vice du consentement :

I – L’encadrement du consentement de la caution par le droit positif :

A – Un consentement exprès, formalisé et protégé :

Le point de départ se situe à l’article 2294 du Code civil, qui dispose que le cautionnement ne se présume point et doit être exprès. Il ne peut résulter d’un comportement implicite ou d’un accord tacite. Le consentement de la caution est donc soumis à un formalisme protecteur. Il suppose, en pratique, la signature d’un acte, la lecture des conditions contractuelles, et dans bien des cas la rédaction de la fameuse mention manuscrite.

Ce formalisme, aussi contraignant soit-il, ne suffit pas toujours à garantir la validité du consentement. Il ne dispense pas d’une analyse plus substantielle de la volonté de la caution. Une signature n’est pas la preuve absolue d’un engagement conscient, informé et sincère. Le Code civil impose que le consentement ne soit pas vicié, en application de l’article 1130, qui reconnaît comme vices du consentement l’erreur, le dol et la violence.

B – Le cautionnement : un engagement à haut niveau d’exigence :

Bien que le cautionnement ne soit pas un contrat synallagmatique, il engage fortement la caution, parfois sans contrepartie. La jurisprudence a donc renforcé les devoirs d’information du créancier, en particulier en matière de mise en garde, d’information annuelle, et de proportionnalité de l’engagement. Ces protections visent à préserver l’intégrité du consentement de la caution.

Les vices du consentement, lorsqu’ils sont invoqués, viennent souvent en complément de ces obligations. Une erreur sur la situation du débiteur, un dol dans la présentation des risques ou une pression exercée sur la caution peuvent justifier la nullité du contrat.

II – L’erreur : entre rigueur théorique et souplesse jurisprudentielle :

A –  L’erreur sur la solvabilité du débiteur : cause admise sous conditions strictes :

Traditionnellement, la jurisprudence refusait d’accueillir les demandes fondées sur une erreur de la caution quant à la solvabilité du débiteur. L’argument était simple : le cautionnement est destiné à garantir une dette qui pourrait ne pas être payée. Or, une erreur sur l’insolvabilité future du débiteur est inhérente au risque garanti.

Cependant, la Cour de cassation a admis la nullité si la caution parvient à prouver que la solvabilité actuelle du débiteur était un élément déterminant de son engagement. Dans un arrêt de principe du 1er octobre 2002 (Cass. com., 1er oct. 2002, n°00-13189Bull. civ. IV, n° 131) la chambre commerciale avait reconnu que la caution pouvait faire de la situation financière du débiteur une condition tacite de son engagement. Cette jurisprudence a par la suite été réaffirmée par la suite (notamment Com. 19 mai 2015, n°14-10.860, inédit, puis dans un arrêt  Cass. com., 9 oct. 2024, n°23-15.346, B au sujet duquel nous avions fait un article).

La preuve reste toutefois difficile à administrer. La caution doit établir qu’elle s’est engagée en pensant que le débiteur était solvable, et que cette croyance a été déterminante. Il est donc essentiel d’établir des éléments factuels clairs : échanges avec la banque, documentation financière remise, contexte professionnel du débiteur, etc.

B – L’erreur sur les sûretés ou les autres garants : une autre voie d’action :

La jurisprudence admet également l’erreur sur l’existence ou l’efficacité d’autres sûretés. Une caution peut, par exemple, croire à l’existence d’un co-cautionnement ou d’une hypothèque qui viendrait en garantie. Si elle démontre que cette erreur était déterminante, la nullité peut être prononcée.

L’idée sous-jacente est que la caution n’aurait pas accepté de s’engager seule ou dans des conditions de risque supérieur. Ces erreurs, liées à la structure du financement ou à la présentation des co-engagements, sont admises comme motifs d’annulation depuis longue date.

III – Le dol : une voie exigeante mais redoutable :

A –  Dol du créancier : silence, manœuvres, ou présentation fallacieuse :

L’article 1137 du Code civil dispose que le dol peut résulter d’un simple silence gardé volontairement par le créancier sur un élément déterminant du contrat. En matière bancaire, cela peut concerner la situation réelle du débiteur, la présentation du projet financé, ou l’absence de garantie supplémentaire.

Le dol suppose la preuve d’une intention de tromper. Cette preuve peut être déduite du comportement du créancier, de la récurrence des anomalies, ou encore de l’opacité du montage financier. Le dol est souvent invoqué subsidiairement à l’erreur, ou en parallèle avec le manquement au devoir de mise en garde.

B – La distinction avec le devoir de mise en garde :

Il n’est pas rare que les cautions confondent dol et manquement au devoir de mise en garde. Pourtant, les régimes juridiques diffèrent. Le dol entraîne la nullité du contrat, tandis que le manquement au devoir de mise en garde « légal », introduit par l’Ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés entraîne la déchéance des droits du créancier à hauteur du préjudice (article 2299 du Code civil) (Sur l’articulation entre le devoir « légal » de mise en garde et le régime prétorien antérieur, voir J. ATTARD, « Le devoir de mettre en garde la caution après la réforme du droit des sûretés » , LPA 2022, août n° LPA201s4)

Il est donc stratégiquement pertinent de soulever ces moyens de manière cumulative, notamment lorsque les éléments de preuve se recoupent : absence d’information, contexte de pression commerciale, montage financier complexe, etc.

IV – Articulations stratégiques et conséquences contentieuses :

A – Nullité, disproportion et autres moyens de défense

Le vice de consentement peut être invoqué seul, mais il est souvent stratégique de le combiner avec d’autres moyens, très nombreux et parmi lesquels

  • Disproportion manifeste,
  • Défaut d’information annuelle (pour une illustration de la portée de cet argument notre article),
  • Défaut de mise en garde (sur ce devoir, notre article sur l’appréciation de la question par la chambre commerciale de la Cour de cassation)

Ces moyens doivent être présentés de façon structurée dans les conclusions, en distinguant les nullités, les exceptions au fond et les défenses de procédure, et désormais dans la perspective d’une argumentation recevable en cause d’appel.

B – Prescription et exception de nullité

Comme chacun le sait, l’action en nullité est soumise à la prescription quinquennale de l’article 2224 du Code civil. Néanmoins, la caution poursuivie peut opposer l’exception de nullité en tout temps, si le contrat n’a pas reçu d’exécution effective, en application de l’article 1185.

Cette exception, dont le domaine de prédilection est la défense, se révèle redoutable lorsque le cautionnement est invoqué après plusieurs années, ou si le contrat présente des anomalies grossières de forme ou de fond.

Conclusion :
La nullité du cautionnement pour vice de consentement constitue une voie de contestation exigeante, mais redoutablement efficace lorsqu’elle est argumentée avec habileté. Elle suppose une analyse fine de l’engagement, des circonstances de sa souscription, et des documents remis à la caution. L’erreur, le dol, voire la violence économique, peuvent être invoqués à condition d’être correctement qualifiés.

Notre cabinet, rompu à la défense des cautions, vous accompagne dans toute stratégie de contestation.
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