[Droit immobilier] Les émeutiers locataires peuvent-ils vraiment être expulsés de leurs logements ?

Il a suffit d’un tweet du préfet du Val-d’Oise pour créer la polémique.

Le 23 août 2023, le Préfet du Val-d’Oise annonce sur son compte X avec un tag « Droits et devoirs », avoir « procéd[é] à l’expulsion locative de l’ensemble des occupants du logement social » où résidait un émeutier « interpellé après avoir pillé le magasin d’un opticien », aujourd’hui condamné à 12 mois d’emprisonnement.

Comme souvent en matière locative, l’affaire a suscité l’émoi médiatique. Par quel moyen le Préfet du Val-d’Oise  a t-il pu sanctionner la famille du délinquant, qui pour sa part n’a pas participé aux émeutes  ?

I – Le principe : Une expulsion est précédée d’une décision de justice et d’un commandement de quitter les lieux

En principe, selon l’article L. 411-1 du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE), « Sauf disposition spéciale, l’expulsion d’un immeuble ou d’un lieu habité ne peut être poursuivie qu’en vertu d’une décision de justice ou d’un procès-verbal de conciliation exécutoire et après signification d’un commandement d’avoir à libérer les locaux ».

Généralement, les bailleurs obtiennent pour des motifs variés une décision ordonnant l’expulsion de leur locataire auprès du juge des contentieux de la protection près le tribunal judiciaire compétent.

Les décisions de justice  sont des titres exécutoires (art. L 111-3 CPCE). L’exécution des titres exécutoires peut être exécuté pendant 10 ans (art. L 111-4 CPCE).

Toutefois en matière locative, « Si l’expulsion porte sur un lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai de deux mois qui suit le commandement » de quitter les lieux (art. L. 412-1 CPCE)

L’huissier de justice chargé d’exécuter la décision de justice saisit la Préfecture dès le commandement de quitter les lieux afin d’organiser le relogement du locataire (art. 412-5 CPCE). Par ailleurs, la mesure d’expulsion ne peut être exécutée du 1er novembre jusqu’au 31 mars, il s’agit de la fameuse trêve hivernale (art 412-6 CPCE)

A l’expiration du délai de deux mois du commandement de payer, le locataire peut ne pas avoir quitté les lieux. 

L’huissier peut donc requérir le concours de la force publique, l’Etat étant tenu de prêter son concours à l’exécution des jugements et des autres titres exécutoires (art. L. 153-1 CPCE). Il s’adresse pour cela au Préfet (art. R. 153-1 CPCE).

II – Le Préfet du Val-d’Oise n’a vraisemblablement pas pu procéder à l’expulsion suite à la condamnation pénale de l’émeutier ?

L’expulsion ainsi présentée avait donc de quoi surprendre puisque le jugement pénal condamnant l’émeutier n’avait pas prononcé son expulsion de son logement.

D’ailleurs, aucun texte répressif ne semble associer une mesure d’expulsion avec un délit … Les juridictions  répressives ne pourraient pas ordonner une telle expulsion.

Selon toutes vraisemblance, la Préfecture n’a donc pu agir qu’en vertu d’une décision de justice civile obtenue auparavant. Autrement, l’expulsion exécutée sans jugement se révèlerait bien entendu illicite …

Les journalistes mènent les investigations, et il semblerait qu’un jugement pour impayé aurait été obtenu il y a plusieurs années …. La communication du Préfet était de nature à induire en erreur les justiciables …

Peut-on se satisfaire de l’exécution tardive et opportuniste d’une décision de justice dans ces circonstances ? Il serait en effet regrettable qu’une expulsion programmée depuis plusieurs années  soit soumise à l’agenda politique de la Préfecture … 

Les propriétaires comme les locataires apprécieront l’insécurité juridique que leur Préfecture leur procure en n’exécutant pas  les décisions de justice, ou à tout le moins en les exécutant au gré de leur communication …

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Notre cabinet d’avocat en droit immobilier à Marseille intervient en matière d’expulsion des locataires et squatteur et le règlement des loyers dans le ressort de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, et devant des juges des contentieux de la protection près des tribunaux judicaires de Marseille, Aubagne, Martigues et Aix-en-Provence.

Vous pouvez nous joindre par mail (avocat@amauryayoun.com) et par téléphone (04 84 25 40 95) afin que nous fixions rendez-vous ou répondions à vos éventuelles interrogations.

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