
Maître Amaury Ayoun est avocat au Barreau de Marseille et intervient régulièrement en droit bancaire. Il est régulièrement l’avocat de victimes d’arnaque ou fraude bancaire.
Ce type d’escroquerie a connu une augmentation croissante au cours des dernières années et peut toucher des entreprises de toutes tailles, des groupes internationaux, des PME ou des TPE. Récemment, la justice française était parvenue à interpeller huit membres d’un réseau international de blanchiment d’escroquerie qui était parvenu à dérober 38 millions d’euros à un promoteur immobilier à Paris[1].
I – QU’EST CE QUE L’ARNAQUE OU FRAUDE AU PRESIDENT ?
L’arnaque ou fraude au président est une méthode d’usurpation d’identité où un escroc se fait passer pour le président d’une entreprise et invente un motif impérieux pour convaincre l’entreprise victime de transférer des fonds vers un compte à l’étranger.
Cette arnaque sophistiquée comporte plusieurs étapes.
Dans un premier temps, les fraudeurs avaient collecté des informations sur l’entreprise ciblée, ses dirigeants et son processus décisionnel en utilisant des données libres d’accès sur internet et par différents stratagèmes.
Dans un second temps, ils investissent dans des moyens technologiques (achat de numéros de téléphone français, envoi de mails identiques à ceux de l’entreprise, mais en réalité redirigés vers la boîte mail de l’escroc) afin de contacter l’entreprise sans alerter les employés.
Enfin, l’escroc manipule un employé ou parfois la banque de l’entreprise en se faisant passer pour le président de l’entreprise victime, grâce aux informations collectées précédemment. Il invoque ensuite l’urgence de la situation pour obtenir un virement de sommes d’argent rapidement.
II – QUELS RECOURS PEUVENT ÊTRE ENVISAGÉS SUITE À UNE FRAUDE OU ARNAQUE AU FAUX PRÉSIDENT ?
Il y a plusieurs cas de figure et de très nombreuses variantes à cette fraude bancaire et la possibilité d’exercer un recours dépendra essentiellement de la situation rencontrée.
On fera observer préalablement que les chances de retrouver les escrocs sont généralement faibles puisque ces derniers agissent depuis l’étranger et prennent soin d’effacer leurs traces, le compte crédité est d’ailleurs rapidement clôturé après l’opération … Bien entendu, il n’est jamais inutile de déposer une plainte, à des fins probatoires et en toute hypothèse dans le cas où les enquêteurs retrouveraient les escrocs.
Les « victimes en mal de remboursement »[2] pourront donc éventuellement se retourner contre leur banque pour obtenir un remboursement.
Soit, comme nous l’avons indiqué, la banque est la personne manipulée par les fraudeurs, et les chances d’indemnisation se révèleront certainement élevées, soit les membres de l’entreprises victimes sont manipulés et il faudra démontrer que les circonstances étaient de nature à engager tout de même la responsabilité de la banque.
Dans le premier cas, celui où la banque a été manipulée, il est rappelé que la banque est dépositaire des fonds de sa clientèle. L’article 1937 du Code civil dispose en effet que « Le dépositaire ne doit restituer la chose déposée qu’à celui qui la lui a confiée, ou à celui au nom duquel le dépôt a été fait, ou à celui qui a été indiqué pour le recevoir. ».
Par ailleurs, s’agissant des paiements, l’article 1342-2 du Code civil dispose que « Le paiement doit être fait au créancier ou à la personne désignée pour le recevoir. Le paiement fait à une personne qui n’avait pas qualité pour le recevoir est néanmoins valable si le créancier le ratifie ou s’il en a profité. (…) ».
C’est donc sans difficulté que la banque reste tenue de restituer les fonds que lui confie sa clientèle. En effet, sans ordre de paiement de la part de son réel client, il sera difficile pour la banque de justifier s’être défait des fonds suite à un faux ordre de virement sans engager sa responsabilité[3]. Dans le même ordre d’idée, la banque engage aussi sa responsabilité si elle encaisse des chèques falsifiés[4].
La Cour d’appel de Lyon avait, dans un arrêt du 31 mars 2016, sans difficulté retenu la responsabilité de plein droit de la banque dès lors qu’il avait été fait usage de faux ordres de virement[5].
On évoquera aussi les textes spéciaux du Code Monétaire et Financier, qui ne sont pas nécessairement mobilisables dans ce type de cas. On rappelle à toutes fins utiles qu’ « une opération de paiement est autorisée si le payeur a donné son consentement à son exécution. » (article L. 133-6, I. Code Monétaire et Financier ) et qu’ « En cas d’opération de paiement non autorisée signalée par l’utilisateur dans les conditions prévues à l’article L. 133-24, le prestataire de services de paiement du payeur rembourse au payeur le montant de l’opération non autorisée immédiatement après avoir pris connaissance de l’opération ou après en avoir été informé (…) » (article L. 133-18 Code Monétaire et Financier)
Dans le second cas, celui où les membres de l’entreprise ont été manipulés, le principe est celui d’une non immixtion de la banque dans les affaires de sa clientèle. Toutefois, c’est à condition qu’une « anomalie apparente » n’ait pas pu être décelée par la banque pendant l’opération. Le banquier est en effet tenu d’un devoir de vigilance dont l’origine est jurisprudentielle[6].
Concrètement, la banque doit faire preuve de vigilance à l’égard des anomalies tant matérielles qu’intellectuelles. Les premières font par exemple référence aux falsifications, tandis que les secondes sont plus difficiles à cerner et concernent davantage le contexte, la cohérence des opérations étudiées[7].
Un arrêt de la Cour d’appel de Rennes du 20 juin 2023[8] a récemment retenu la faute de la banque qui s’était contenté d’alerter le comptable d’une entreprise et non les titulaires du compte après avoir relevé « un cumul de virements en un laps de temps très court ». La banque avait en l’espèce détecté l’anomalie aux cinquième et sixième virement, et était donc tenu à ce moment d’alerter sa cliente. N’ayant jamais alerté les réels titulaires des comptes, elle est responsable vis à vis de ses clients de ne pas les avoir alerté des deux derniers ordre de virement pour la modeste somme de 184.855,00 €. Toutefois, l’arrêt relevait une attitude fautive de la part de l’entreprise victime qui avait apparemment fait preuve de légèreté en remettant l’intégralité des codes permettant de réaliser des virements à l’étranger à un comptable fraîchement arrivé dans l’entreprise …
En effet, en matière de fraude, la responsabilité peut donc être partagée entre la banque et la victime qui avait donc été partiellement indemnisée dans cette affaire. Cet arrêt de la Cour d’appel de Rennes est une illustration parmi d’autres.
On observe en effet qu’en la matière, la pratique des juridictions consiste à déterminer la part de responsabilité de chacun. La responsabilité de la banque qui n’a pas fait preuve de vigilance peut donc être totale ou partielle selon la jurisprudence actuelle.
L’obligation de vigilance de la banque et la notion d’ « anomalie apparente » ne sont absolument pas nouvelles, et ont été particulièrement sollicitées dans des actions en responsabilités dirigés contre les banques en matière de hammeçonnage ou « phishing », et devraient à l’avenir nourrir le fort contentieux de l’arnaque ou fraude au faux conseiller / spoofing …
Maître Amaury Ayoun, avocat en droit bancaire, au Barreau de Marseille, conseille et défend les victimes d’arnaque ou fraude bancaire au faux président à Marseille et devant les tribunaux du ressort de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence (Digne-les-Bains, Draguignan, Grasse, Marseille, Nice, Tarascon, Toulon )
Vous pouvez joindre notre cabinet par téléphone au 04 84 25 40 95 ou par mail : avocat@amauryayoun.com
[1] https://www.francetvinfo.fr/faits-divers/police/arnaque-au-faux-president-des-escrocs-volent-plus-de-38-millions-d-euros-a-deux-entreprises-en-se-faisant-passer-pour-le-pdg_5662811.html
[2] expression empruntée au Professeur M. ROUSSILE, « Les banques et les fraudes » , Gaz. Pal. 2022, n°36, 8 nov., p. 34, n° GPL442d5
[3] Voir par exemple : Cass. com., 3 nov. 2004, n°01-16238 : Bull. civ. IV, n°187
[4] Cass. com., 12 juill. 2017, 16-13.576, Inédit
[5] Cour d’appel Lyon, 31 mars 2016, n°2015J597
[6] En dernier lieu : Cass. com. 15 juin 2022, 21-10.080, inédit :
[7] B. DE BELVAL et A. MAYMONT, « Le clair-obscur de l’obligation de vigilance du banquier », Gaz. Pal. 2021, 2 févr., n° 395w0, p. 45.
[8] CA Rennes, 20 juin 2023, n°22/00445, LEDB 2023, n°8, sept., p. 2, obs. J. Lasserre Capdeville.

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