[Droit bancaire] Communication du taux de période, décimale : demandes, moyens et sanctions

La première chambre civile de la Cour de cassation signe deux arrêts inédits dont le principal apport est de confirmer la sanction attachée à l’irrégularité affectant la communication du taux de période aux emprunteurs immobiliers. (Civ. 1ère, 27 mars 2019, n°18-11.448 et n°18-11.617, inédits)

Le taux de période est l’inconnue qu’il convient de trouver pour résoudre l’équation polynomiale permettant de déterminer un taux effectif global (T.E.G.) : le T.E.G. est un taux de période annualisé. (1)

L’article R. 313-1, II, alinéa 1er dans sa rédaction issue du décret n°2002-297 du juin 2002 dispose que « Le taux de période et la durée de période doivent être expressément communiquées à l’emprunteur ».

L’obligation de communication du taux de période se traduit le plus souvent par la communication d’un T.E.G. mensuel si la période de remboursement est mensuelle, d’un T.E.G. trimestriel si la période de remboursement est trimestrielle …

Les textes ne précisent pas les modalités de cette communication ni les sanctions en cas de manquement à cette obligation.

La première chambre civile revient succinctement sur ces deux points et un peu plus.

Les deux arrêts présentaient des faits identiques : en raison de plusieurs irrégularités formelles décelés dans leurs contrats de crédit immobilier, des emprunteurs avaient assigné leur établissement de crédit à la fois en déchéance du droit aux intérêts rémunératoires et en annulation de la stipulation du taux d’intérêt conventionnel (et non pas à titre subsidiaire comme le rapporte l’arrêt de cassation).

Dans les deux cas, les emprunteurs dénonçaient l’absence de communication du taux de période et l’inexactitude du taux effectif global quant à lui mentionné dans le contrat.

La cour d’appel d’Aix-en-Provence avait fait droit à leur demande en prononçant d’une part la nullité de stipulation de taux d’intérêt conventionnel en raison de l’absence de communication du taux de période et d’autre part la déchéance du droit aux intérêts rémunératoire d’un montant de 1 euro (!) en raison de l’inexactitude affectant le taux effectif global mentionné.

La déchéance du droit aux intérêts est une peine privée consistant à faire perdre au prêteur qui a manqué à certaines de ses obligations tout ou partie de son droit à percevoir des intérêts rémunératoires.

La nullité de la stipulation du taux conventionnel consiste en une annulation du taux d’intérêt fixé dans le contrat. En l’absence d’une telle stipulation, le taux légal s’applique à titre supplétif. En raison de l’effet rétroactif de la nullité, cette substitution vaut aussi pour le passé. Pour cette raison, si, lorsque l’emprunteur a payé des intérêts au taux fixé par le contrat, le taux d’intérêt légal était inférieur, la différence entre les intérêts au taux conventionnel et les intérêts au taux légal est remboursée à l’emprunteur.

L’articulation entre les deux sanctions suscite quelques interrogations que nous évoquerons en conclusion.

L’établissement de crédit avait formé un pourvoi contre les deux arrêts et reprochait à la Cour d’appel de s’être mépris sur le champ d’application de l’obligation de communiquer le taux de période qui ne concernerait pas, selon lui, les crédits professionnels et les crédits immobiliers, de faire une mauvaise application de l’article 1907 du Code civil sur lequel était fondé la nullité de la stipulation de taux conventionnel (I) et enfin d’avoir prononcé la déchéance du droit aux intérêts en raison d’un T.E.G. inexact alors qu’une jurisprudence désormais constante de la Cour de cassation ne reconnaît l’existence d’une inexactitude de T.E.G. seulement lorsque la différence entre le T.E.G. mentionné et le T.E.G. réel est supérieure à une décimale (comprendre 0,1 point)(II).

I – LA SANCTION DE L’ABSENCE DE COMMUNICATION DU TAUX DE PERIODE : LA NULLITE DE LA STIPULATION DU TAUX CONVENTIONNEL ET SA SUBSTITUTION PAR LE TAUX LEGAL

La première chambre civile de la Cour de cassation ne donne pas suite aux deux premiers points soulevés par l’établissement de crédit et affirme, selon une jurisprudence désormais constante que : « l’arrêt retient exactement que, faute de communication du taux de période du taux effectif global dans aucun document relatif au prêt dont l’offre a été émise le 21 juillet 2010, il n’a pas été satisfait aux exigences des articles L. 313-1 et R. 313-1 du Code de la consommation dans sa rédaction issue du décret n°2002-297 du juin 2002 et de l’article 1907 du Code civil ».

La première chambre civile ne revient pas vraiment sur le champ d’application de l’obligation aux crédits immobilier. Il faut dire qu’elle s’était déjà prononcée sur le sujet dans un arrêt de 2016 (2).

Toutefois, il est utile de rappeler que la solution est différente pour les contrats de crédits immobilier conclus après le Décret n° 2016-607 du 13 mai 2016 portant sur les contrats de crédit immobilier aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d’habitation. Depuis, ce Décret, l’obligation de communiquer le taux de période ne concerne plus que les professionnels.

Elle revient ainsi brièvement sur les modalités d’application de l’obligation de communiquer le taux de période en retenant que celui-ci n’était communiqué « dans aucun document relatif au prêt ». Ce dont on déduit qu’à la différence du T.E.G., le taux de période n’a pas forcément à être « mentionné » dans le contrat de crédit (3).

Surtout, la première chambre civile, en ne censurant pas l’arrêt de la cour d’appel sur ce point, confirme que la sanction attachée à la violation de cette obligation est la nullité de la stipulation du taux d’intérêt conventionnel, assortie d’une substitution de ce taux conventionnel annulé par le taux légal.

Cette sanction trouve son fondement dans deux textes : l’article 1907, alinéa 2 du Code civil selon lequel « Le taux de l’intérêt conventionnel doit être fixé par écrit. » et l’article L. 314-5 du Code de la consommation (autrefois l’article L. 313-2 du Code de la consommation) selon lequel « Le taux effectif global déterminé selon les modalités prévues aux articles L. 314-1 à L. 314-4 est mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt (…) ».

Depuis une série d’arrêts rendus le 24 juin 1981 (4), la première chambre civile de la Cour de cassation affirme que l’exigence de stipulation de taux posée par l’article 1907, alinéa 2 du Code civil et complétée par l’article L. 314-5 du Code de la consommation relatif à la mention du T.E.G., est une condition de sa propre validité.

La Cour de cassation considère qu’à défaut de fixation du taux d’intérêt ou de mention du taux effectif global, le taux conventionnel est nul et le taux légal doit s’appliquer. En effet, l’article 1907, alinéa 1er dispose que « L’intérêt est légal ou conventionnel. », et la Cour de cassation en déduit la supplétivité du taux légal en l’absence de stipulation de taux. La nullité agissant de manière rétroactive, la différence entre les intérêts calculé aux taux conventionnel normalement déjà payés par l’emprunteurs et des intérêts qui auraient dû être calculés aux taux légaux sont restitués à l’emprunteur si la différence est en sa faveur.

Les fondements de cette sanction sont multiples : la violation de dispositions d’ordre public, l’utilisation d’un formalisme requis ad solemnitatem, la présomption d’absence de consentement.

II – LA SANCTION D’UNE INEXACTITUDE AFFECTANT LE TAUX EFFECTIF GLOBAL : UNE INEXACTITUDE SUPERIEURE A UNE « DECIMALE »

Les arrêts de la cour d’appel d’Aix-en-Provence était par ailleurs attaqué en ce qu’ils prononçaient la déchéance du droit aux intérêts sur le fondement de l’ancien article L. 312-33 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle de l’Ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation (procédant à une renumérotation de ce code, l’article L. 312-33 devenant l’article L. 341-34), selon lequel « le prêteur ou le bailleur pourra en outre être déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge » lorsqu’il manque aux obligations prévues par l’ancien article L. 312-8 du Code de la consommation devenu L. 313-25, relatives au formalisme des offres de crédit immobilier, lesquelles indiquent, selon le 3° de cet article, le taux effectif global.

La Cour de cassation censure les deux arrêts au motif que la cour d’appel constatait dans les deux cas que « l’écart entre le taux effectif global mentionné dans l’offre de crédit et le taux réel était inférieur à la décimale prescrite par l’article R. 313-1 du Code de la consommation ».

La cassation est prononcée mais seulement en ce que les arrêts prononcent la déchéance du droit aux intérêts concernant les deux offres de prêt dans la limite de 1 euro. Pour l’établissement de crédit, il s’agit donc d’une victoire à la Pyrrhus puisque la nullité du taux conventionnel et la substitution au taux légal n’est quant à elle pas censurée. Des sommes importantes correspondant à la différences entre les intérêts déjà payés et les intérêts de la même période qui aurait dû être calculés au taux légal doivent donc être restitués aux emprunteurs.

Les emprunteurs n’ont donc « perdu » qu’un euro et ne saisiront probablement pas la cour d’appel de renvoi dans l’espoir d’obtenir une déchéance de droit aux intérêts plus élevée, car les juges du fond se plieront certainement à la décision de la Haute Juridiction sur ce point.

En effet, selon une jurisprudence désormais constante de la Cour de cassation, une inexactitude inférieure à une « décimale » ne constitue pas une irrégularité affectant le taux effectif global et ouvrant droit aux sanctions qui y sont attachées, l’annulation de la stipulation de taux et la déchéance du droit aux intérêts (5).

Pour fonder sa jurisprudence, la Cour se réfère notamment à l’article R. 313-1 du Code de la consommation, alors qu’elle devrait se référer au paragraphe d) de l’annexe à l’article R. 313-1 du Code de la consommation, depuis devenu paragraphe d) de l’annexe à l’article R. 314-1 du même Code.

Le sens de cet article est pourtant dévoyé puisque l’article exprime une règle d’arrondi universelle et non un seuil d’erreur admissible : « Le résultat du calcul est exprimé avec une exactitude d’au moins une décimale. Lorsque le chiffre est arrondi à une décimale particulière, la règle suivante est d’application : si le chiffre de la décimale suivant cette décimale particulière est supérieur ou égal à 5, le chiffre de cette décimale particulière sera augmenté de 1.».

Les deux phrases doivent être lues séparément. D’une part, il est impératif que soit mentionné par écrit au moins une décimale après la virgule. D’autre part, le taux effectif global est calculé en suivant les règles d’arrondi universelles. Aussi, si un T.E.G. est de 4,4456789 %, d’une part, le prêteur a au moins l’obligation de préciser que le taux est de 4,4%. Il ne peut arrondir le taux à 4%. D’autre part, si le prêteur choisit d’arrondir son taux à deux décimales après la virgule, celui- ci sera de 4,45%, puis de 4,446, à la troisième décimale …

La Cour de cassation y voit, au contraire un seuil d’erreur admissible d’une « décimale » (alors que, à suivre ce raisonnement entrepris par la Cour jusqu’ici, il serait plus judicieux de se référer à une différence de « 0,1 points » …). Comme le fait en fait d’ailleurs la Cour de cassation, ainsi que le relève Monsieur  G. BIARDIEAUD (6) , dans un arrêt rendu le 12 décembre 2018 en se référant seulement « à la décimale » et non plus à l’article réglementaire (7).

Il ne fait aucun doute que la disposition est mal-interprétée, ou bien sciemment réinterprétée afin d’endiguer le contentieux portant sur les T.E.G. irréguliers. A l’occasion d’actions en recouvrement de crédits et en paiement des intérêts formées par des établissements de crédit, le tribunal d’instance de Limoges a tenté de poser par deux fois une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne portant sur l’interprétation de la disposition litigieuse (8). 

Dans les deux cas, l’établissement de crédit avait préféré se désister de son action en paiement devant le tribunal d’instance, en renonçant au remboursement du capital prêté qui lui était vraisemblablement dû, et interjeter appel du jugement saisissant la CJUE de la question préjudicielle afin de ne pas connaître la réponse de la Cour de justice de l’Union européenne (9).

La Cour de cassation, quant à elle, refuse de poser cette question, et affirme avec beaucoup d’audace que « en l’absence de doute raisonnable quant à l’interprétation du droit de l’Union européenne et, en particulier, de la directive 98/7/CE, il n’y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle » (10). 

Enfin, le même jour, la Cour de cassation a rendu deux autres arrêts confortant « sa » jurisprudence de la décimale (11).

QUE RETENIR DE CES ARRÊTS (ET UN PEU PLUS …) ?

D’une part, la position de la Cour de cassation relative au taux de période restera probablement un épiphénomène puisque les établissements de crédits ont depuis longtemps corrigé leur contrat. De plus, le point de départ de la prescription de l’action en nullité de la stipulation de taux est fixée au jour de signature du contrat de prêt puisque selon la jurisprudence habituelle de la Cour de cassation, le point de départ de ce type d’action ne peut être retardé lorsque l’irrégularité est décelable à première lecture du contrat (12).

Ensuite, l’obligation de communication du taux de période n’est plus applicable aux crédits immobiliers depuis 2016. Aussi, en raison de ces deux éléments, la seule fenêtre d’action pour dénoncer l’absence de communication dans un contrat de crédit immobilier est celle des contrats conclus entre 2014 et 2016 … Les professionnels peuvent quant à eux toujours agir.

D’autre part, s’agissant de la question de la décimale, la question est désormais classique. Comme nous l’avons expliqué, seule une intervention de la Cour de justice de l’Union européenne saurait influencer la position de la Cour de cassation, pour l’instant inflexible.

Enfin, les deux arrêts de la Cour de cassation ne lui permettait malheureusement pas de se prononcer sur la question du concours entre la sanction de nullité du taux d’intérêt conventionnel et celle de déchéance du droit aux intérêts rémunératoires en matière de crédit immobilier comme l’avait fait la cour d’appel d’Aix-en-Provence dans ses deux arrêts.

Dans ses deux arrêts, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence avait rendu un attendu audacieux et particulièrement pédagogique dans lequel elle reprenait le raisonnement développé par les avocats des emprunteurs selon lequel la même irrégularité affectant le taux effectif global permettait agir à la fois en déchéance du droit aux intérêts rémunératoire et en nullité du taux d’intérêt conventionnel (13).

L’irrégularité consistant en une inexactitude du taux effectif global, permettait à l’emprunteur de demander les deux sanctions.

Il ne s’agit là que d’une question de visas :

A la différence de l’irrégularité consistant en une absence de communication du taux de période qui n’est fondée que sur les dispositions « générales » relatives au crédit contenues dans le Code de la consommation (articles L. 313-1 et suivants et R. 313-1 relatifs au T.E.G.) ainsi qu’à celle du Code civil (1907 du Code civil relatif à la stipulation de taux d’intérêt), l’irrégularité consistant en une inexactitude du taux effectif global relève en plus du formalisme des crédits immobilier (L. 312-8 devenu L. 313-25 et L. 312-33 du Code de la consommation devenu L. 341-34).

La déchéance du droit aux intérêts est la sanction du formalisme des crédits immobiliers (ancien art. L. 312-33 du Code de la consommation devenu L. 341-34), et par renvoi de texte, cette sanction concerne l’omission du T.E.G., car cette mention est obligatoire dans les offres de crédits immobiliers (ancien art. L. 312-8 du Code de la consommation devenu L. 313-25), l’inexactitude de T.E.G. étant assimilé de longue date à une omission de la mention.

La déchéance du droit aux intérêts ne peut donc pas être prononcée lorsque l’irrégularité ne concerne pas le formalisme du crédit immobilier. Par exemple, et comme en l’espèce, la communication du taux de période n’est pas exigée pour le formalisme du crédit immobilier mais par les règles plus générales relatives au taux effectif global concernant un plus grand nombre de crédits.
Aussi, dans les deux arrêts, la cour d’appel n’avait pas eu d’autre choix que de prononcer la nullité du taux d’intérêt conventionnel, sanction attachée aux irrégularités relatives aux formalismes des taux.

En revanche, les emprunteurs présentaient chacun une irrégularité affectant l’exactitude du T.E.G. mentionné dans leur crédit immobilier. Ces irrégularités pouvaient donc aussi être sanctionnées par une déchéance, ce que les établissements de crédits contestaient devant la cour d’appel.

Pour la cour d’appel, un cumul des sanctions était possible pour les raisons suivantes (14) :

« (…) Attendu qu’il convient de rappeler que les dispositions d’ordre public qui fixent à peine de déchéance du droit aux intérêts, les informations pré-contractuelles qui doivent être communiquées dans une offre de prêt immobilier, n’ont ni pour objet, ni pour effet, de déroger aux dispositions générales, également d’ordre public, qui obligent le prêteur, en vertu de la combinaison des articles 1907 du Code civil et L. 313-2 devenu L. 314-5 du Code de la consommation, à fixer par écrit le TEG dans tout acte de prêt ;
Que cette dernière obligation est une condition de validité de la stipulation de l’intérêt conventionnel qui ne supporte aucune exception quelle que soit la nature du prêt et la qualité de l’emprunteur ;
Que les actions en nullité de la stipulation de l’intérêt conventionnel et en déchéance du droit aux intérêts sont distinctes ; qu’elles n’ont ni la même finalité ni le même régime juridique ;
Que dans le premier cas, l’action tend à sanctionner la méconnaissance d’une condition de formation de la clause d’intérêt, dans le second cas, elle sanctionne l’inexactitude d’une information pré-contractuelle due à l’emprunteur ;
Qu’en conséquence, M. X et Mme. X sont titulaires de ces deux actions, qui ne sont pas exclusives l’une de l’autre ; »

Dans les deux espèces, l’inexactitude du T.E.G. n’a pas justifié le prononcé des deux sanctions, la cour d’appel ayant curieusement considéré que la règle de « la décimale », décrite plus haut ne s’appliquait que lorsque le demandeur sollicitait une nullité du taux et non pas lorsqu’il sollicitait la déchéance du droit aux intérêts. La cour d’appel avait donc prononcé une déchéance du droit aux intérêts d’un montant de 1 euro en raison de l’inexactitude du taux effectif global, déchéance invalidée car l’irrégularité était inférieure à la décimale.
La cour d’appel a néanmoins fait droit à la demande de nullité en raison d’un autre moyen, celui de l’absence de communication du taux de période comme nous le savons.

Si les deux demandes (nullité et déchéance) avaient été obtenue sur le même moyen, la Cour de cassation aurait été amenée à se prononcer sur la question du cumul de sanction telle que traitée par la Cour de cassation.

D’un point de vue pratique, le cumul est parfaitement concevable puisque la substitution aux taux légal acquise, le juge a ensuite le choix de prononcer ou pas la déchéance du droit aux intérêts sur le taux légal restant. Bien entendu, cette solution n’arrange pas les établissements de crédit qui préféreraient que seule la sanction d’une irrégularité affectant le taux effectif global soit la déchéance, laissée à l’usage du pouvoir discrétionnaire du juge contrairement à la nullité et substitution au taux légal qui est quant à elle automatique.

D’un point de vue théorique, il s’agit là d’une application du principe specialia genralibus derogant entre des dispositions de droit commun et de droit spécial (article 1907 du Code civil et anciens articles L. 313-1 du Code de la consommation et suivants) avec des dispositions de droit encore plus spéciales (anciens article L. 312-1 et suivants du Code de la consommation).
Or, comme le relève Mme C. GOLDIE-GENICON dans sa thèse, « L’adage ne doit jouer que lorsque les règles générales et les règles spéciales sont antinomiques ». Aussi, « la mise à l’écart de l’action commune nécessite (…) la démonstration d’une antinomie entre les normes en concours » (15).

Cette antinomie n’existe pas puisque si la déchéance totale est prononcée le crédit est gratuit, or, avec la nullité du taux le crédit reste payant mais au taux légal. Si les deux sanctions sont prononcées, le prix du crédit, variera, selon l’appréciation du juge, entre le taux légal et un taux zéro. D’ailleurs, la déchéance n’a pas nécessairement à être exprimée en taux : la cour d’appel d’Aix-en-Provence avait bien saisi la nature de peine de cette sanction en prononçant une déchéance d’un montant de 1 euro symbolique …

Jusqu’ici, la Cour de cassation n’a statué sur la question de l’option entre les sanctions que dans des cas où la cour d’appel avait prononcé l’une ou l’autre sanction et elle semble souvent, en présence de crédit immobilier, privilégier, à tort, la seule déchéance du droit aux intérêts (16).

Notes :

(1) Cette annualisation est réalisée selon deux méthodes : la méthode équivalente pour les contrats de crédits à la consommation et les contrats de crédits immobiliers depuis l’ ordonnance n° 2016-351 du 25 mars 2016 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d’habitation et le Décret n° 2016-607 du 13 mai 2016 portant sur les contrats de crédit immobilier aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d’habitation, puis la méthode proportionnelle pour les autres contrats. (retour au texte)

(2) : Cass. civ. 1ère, n°15-15.813, inédit, LEDB 2016, n°7, p. 3, obs. J. Lasserre Capdeville ; Gaz. Pal. 2016, n°33, p. 56, obs. M. Roussille ; Banque & Droit 2016, n°169, sept.-oct., p. 12, obs. Th. Bonneau ; RTD Com. 2016, p. 825, obs. D. Legeais. (retour au texte)

(3) récemment en ce sens: Civ. 1ère, 6 février 2019, 17-24.812, inédit. (retour au texte)

(4) Civ. 1ère, 24 juin 1981, n°80-12.773, n° 80-12.903, n°80-14.127 (3 arrêts); Bull. Civ. I, n°233, n°234 et n°235; D. 1982, jurispr. p. 397, note M. Boizard ; RTD Civ. 1982, p. 429, obs. Ph. Rémy ; RTD Com. 1981, p. 809, obs. M. Cabrillac et B. Teyssié ; JCP G 1982, II, 19713, note M. Vasseur ; JCP CI 1983, II, 14001, chron., n°58, obs. Ch. Gavalda et J. Stoufflet ; Banque 1982, p. 236, obs. L.- M. Martin. ; Defrénois 1982. 418, obs. Aubert. (retour au texte)

(5) Civ. 1ère, 1er oct. 2014, n°13-22.778, inédit ; LEDB 2014, n°10, p. 7, obs. R. Routier ; D 2014, p. 2395, note J. Lasserre-Capdeville ; Gaz. Pal., 17 mars 2015, n°76, p. 18, obs. M. Roussille ; RDBF 2015, n°2, comm., 32, obs. F.-J. Crédot et T. Samin ; RDBF 2015, n°2, mars, comm., 36, obs. N. Mathey ; Civ. 1ère, 26 nov. 2014, n°13- 23.033, inédit ; Banque & Droit 2015, n°60, p. 29, obs. Th. Bonneau ; JCP G 2014, 1306, obs. J. Lasserre Capdeville ; RTD com. 2015, p. 137, obs. D. Legeais ; JCP N 2015, act., 1186, obs. S. Piedelièvre ; CCC 2015, n°2, comm. 45, obs. G. Raymond ; LPA 2015, n°108, p. 6, obs. N. Éréséo ; Civ. 1ère, 9 avril 2015, n°14-14.216, inédit ; D. 2015, p. 1150, obs. Lasserre Capdeville ; Dr. et patr. 2015, n°250, sept., chr. dr. banc., p. 84, obs. J.- P. Mattout et André Prüm. ; Banque & Droit 2015, n°164, nov.-déc., p. 22, obs. Th. Bonneau. ; Civ. 1ère, 25 janv. 2017, n°15-24.607 ; Publié au bulletin ; Dalloz actualité 2017, 10 févr., obs. Th. De Ravel d’Esclapon ; LEDC 2017, n°3, mars, p. 3, obs. S. Pellet ; JCP E 2017, 1158, note J. Lasserre Capdeville ; JCP E 2017, 1246, chron. dr. banc., spéc. n°11., obs. A. Salgueiro ; RTD Com. 2017, p. 152, obs. D. Legeais ; Gaz. Pal. 2017, n°14, p. 20, ID : GPL291q6, obs. S. Piedelièvre ; AJDI 2017, p. 449, obs. J. Moreau, O. Poindron et B. Wertenschlag ; Dr. et Patr. 2017, n°272, sept., p. 80, obs. J.-P. Mattout et H. De Vauplane voy. encore : Civ. 1ère, 11 janv. 2017, n°15-24.914, inédit ; Civ. 1ère, 26 avr. 2017, n°16-11.371, inédit ; Civ. 1ère, 5 juill. 2017, 16- 21.075, inédit ; Gaz. Pal. 2017, n°30, 12 sept., p. 18, note J. Lasserre Capdeville ; Com., 18 mai 2017, n°16-11.147 ; Publié au bulletin ; Dalloz actualité 2017, 12 juin, obs. X. Delpech ; D. 2017, p. 1958, note G. Cattalano-Cloarec ; JCP G 2017, 640, obs. J. Lasserre Capdeville ; JCP E 2017, 1366, obs. J. Lasserre Capdeville ; JCP E 2017, 1637, spéc. n°5, obs. N. Mathey ; AJDI 2017, p. 449, obs. J. Moreau, O. Poindron et B. Wertenschlag ; AJDI 2017, p. 601, obs. J. Moreau ; LEDB 2017, n°7, juill., p.3, obs. S. Piedelièvre ; LEDC 2017, n°7, juill., p. 4, obs. G. Cattalano-Cloarec ; AJC 2017, p. 336, obs. J. Martinet et A. Brigot-Laperrousaz ; Gaz. Pal. 2017, n°31, 19 juin, p. 32, obs. S. Piedelièvre ; Dr. et Patr. 2017, n°272, sept., p. 80, obs. J.-P. Mattout et H. De Vauplane. ; Civ. 1ère, 28 nov. 2018, n°17-20.106, inédit, JCP E 2019, 1093, spéc. n°38, obs. J. Lasserre Capdeville et M. Correia. (retour au texte)

(6) «Taux d’intérêts : de la décimale prescrite par l’article R. 313-1 … à la décimale tout court », D. 2019, p. 597. (retour au texte)

(7) Civ. 1ère, 12 déc. 2018, n°17-22.341, inédit. (retour au texte)

8) TI Limoges, 1er févr. 2017, n°16-000784 ; D. 2017, p. 502, obs. Gh. Poissonnier. ; adde, J. LASSERRE CAPDEVILLE, « La tolérance de l’erreur du TEG inférieure à une décimale : l’intervention attendue de la CJUE », LPA 2017, n°166, 21 août, p. 3 et s. ; TI Limoges, 11 oct. 2017, n°17-000561 ; D. 2017, p. 2093, obs. Gh. Poissonnier ; Gaz. Pal. 2017, n°42, 5 déc., p. 35, obs. S. Piedelièvre ; LEDB 2017, n°11, déc., p. 4, obs. J. Lasserre Capdeville. (retour au texte)

(9) Voy. déjà le premier arrêt d’appel : CA Limoges, 17 mai 2018, n°17/01433 ; LEDB 2018, n°7, juill., p. 5, obs. J. Lasserre Capdeville : « la banque s’étant désistée de son action en paiement, les éléments d’interprétation du droit de l’Union européenne qui font l’objet de la question préjudicielle posée par le tribunal d’instance statuant au contentieux dans cette instance ne sont plus nécessaires à la solution du litige ». (retour au texte)

(10) Civ. 1ère , 25 janv. 2017, n° 15-24.607 ; préc. (retour au texte)

(11) Civ. 1ère, 27 mars 2019, n°17-23.363, inédit ; Civ. 1ère, 27 mars 2019, n°17-28.791. (retour au texte)

(12) Civ. 2ème, 1er févr. 2018, n°16-26.679, inédit : « les énonciations de l’acte notarié de prêt permettaient de se convaincre de l’absence de mention du taux de période et de la durée de période, ce dont [la Cour d’appel] a exactement déduit que la prescription de l’action en annulation de la stipulation d’intérêts résultant du taux effectif global (TEG) avait commencé à courir à la date de signature dudit acte » ; voir encore, Civ. 1ère, 27 Mars 2019, n° 18-11.050, inédit. (retour au texte)

(13) arguments développés dans notre thèse : A. AYOUN, Recherche sur le taux effectif global, thèse, Aix-Marseille Université, 2017, spéc. n°345). (retour au texte)

(14) (CA Aix-en-Provence, 23 nov. 2017, RG n°16/14650 et CA Aix-en-Provence, 23 nov. 2017, RG n°16/14345). (retour au texte)

(15) C. GOLDIE-GENICON, Contribution à l’étude des rapports entre le droit commun et le droit spécial des contrats, thèse, préf. Y. LEQUETTE, LGDJ, Coll. : Bibliothèque de droit privé, T. 509, 2009, n°382 et n°440). (retour au texte)

(16) Civ., 1ère, 31 oct. 2012, n°11-22.955, inédit ; Civ. 1ère, 25 févr. 2016, n°14-29.838, inédit ; RDBF 2016, mai, n°3, comm. 113, obs. N. Mathey ; Gaz. Pal. 2016, n°31, p. 25, ID : GPL272s3, obs. S. Piedelièvre ; Gaz. Pal. 2016, n°21, ID : GPL266w9, obs. B. Bury ; LPA 2017, n°8, 11 janv., p. 7, obs. J. Lasserre Capdeville ; Civ. 1ère, 25 févr. 2016, n°14-29.838, inédit ; Civ. 1ère, 22 sept. 2016, n°15-21.524, inédit ; RTD Com. 2016, p. 825, obs. D. Legeais ; JCP N 2017, 1098, spéc. n°11, obs. S. Piédelièvre ; RDBF 2016, n°6, nov., comm. 238, obs. N. Mathey ; dans le même sens, Civ. 1ère, 22 juin 2017, n°16-17.574, inédit ; Dr. et Patr. 2017, n°272, sept., p. 81, obs. J.-P. Mattout et H. De Vauplane ; Civ. 1ère , 6 juin 2018, 17-16.300, inédit, JCP E 2018, 1463, comm. Ph. Métais et E. Valette, Gaz. Pal. 2018, n°36, 23 oct., p. 63, obs. B. Bury ; Gaz. Pal. 2018, n°43, 11 déc., p. 37, obs. S. Piédelièvre ; RTD. Com. 2018, p. 995, obs. D. Legeais ; JCP E 2018, 1453, spéc. n°64, obs. J. Lasserre Capdeville et M. Correia ; Banque & Droit 2019, n°183, janv.-févr., obs. S. Gjidara-Decaix, p. 27 ; dans un sens Civ. 1ère, 26 sept. 2018, n°17-15.352, inédit ; Banque & Droit 2019, n°183, janv.-févr., obs. S. Gjidara-Decaix, p. 27 ; Civ. 1ère, 12 déc. 2018, n° 17-21.240, inédit ; LEDC 2019, n°2, févr., p. 3, obs. G. Cattalano ; Civ. 1ère, 23 janv. 2019, n°17-22.420, inédit ; Gaz. Pal. 2019, n°13, 2 avr., p. 29, obs. S. Piédelièvre. (retour au texte)