[Droit bancaire] Déchéance du terme du crédit immobilier : quels moyens de défense ?

Maître Amaury AYOUN est avocat au Barreau de Marseille.  Il intervient régulièrement en droit bancaire, pour défendre des emprunteurs dans des litiges relatifs aux crédits.

La déchéance du terme intervient généralement en cas de défaut de paiement (répété) ou « défaillance » de l’emprunteur.  

Une fois la déchéance prononcée par l’établissement de crédit,  le remboursement du prêt immobilier est immédiatement exigible : le capital restant dû et les intérêts déjà échus doivent être immédiatement réglés.  L’emprunteur est donc déchu du terme du crédit qui était initialement fixé pour une durée plus longue (par exemple 15, 20, 25 ans pour un crédit immobilier …). La déchéance du terme est donc assimilable à une résiliation du contrat de crédit (art. L. 313-51 du Code de la consommation) qui implique donc le remboursement anticipé du prêt immobilier.

Généralement, soit l’emprunteur conteste la déchéance du terme, soit il n’est pas en capacité de rembourser le capital restant dû en raison de son montant et se trouve désarmé face à une telle situation.

Une fois la déchéance du terme prononcée, la banque est alors titulaire d’une action en remboursement du crédit puisque les sommes sont désormais exigibles.

Cette action se manifeste de deux manières :

  • Si la banque n’a pas de titre exécutoire pour contraindre l’emprunteur à le régler, elle  doit donc en obtenir un pour être autorisée à procéder à des exécutions forcées telles que des saisies. Elle saisira donc le tribunal judiciaire afin d’obtenir un jugement, qui est un titre exécutoire (article L. 111-3, 1° du Code des procédures civiles d’exécution), condamnant l’emprunteur au remboursement du crédit.
  • Si la banque a pris la précaution de régulariser un acte notarié de prêt, elle peut immédiatement engager une procédure de saisie immobilière, dont le préalable obligatoire est un commandement de payer aux fins de saisie-vente. La saisie immobilière « tend à la vente forcée de l’immeuble du débiteur ou, le cas échéant, du tiers acquéreur en vue de la distribution de son prix. » (art. L. 311-1 du Code des procédures civiles d’exécution). Autrement dit, la banque va contraindre l’emprunteur à vendre le bien immobilier objet du crédit (appartement, maison, villa etc …) soit amiablement s’il trouve un acquéreur soit par la vente aux enchères (adjudication). Dans les deux cas, la banque se fait régler le remboursement du prêt sur le prix de vente.

Si l’emprunteur reçoit un commandement de payer aux fins de saisie-vente après la déchéance du terme, cela signifie donc qu’une procédure de saisie immobilière est engagée.

Il existe quelques moyens de défense assez commun afin d’échapper à la déchéance et au remboursement anticipé du crédit :

1 – L’ACTION EST PRESCRITE.

Si les actions de droit commun se prescrivent par 5 ans, la banque ne peut agir contre les consommateurs que dans un délai raccourci de 2 ans. En effet, « L’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans. » selon l’article L. 218-2 du Code de la consommation, et plus spécifiquement l’article R. 312-35 du Code de la consommation, s’agissant des crédits à la consommation.

Le crédit immobilier visés aux articles L. 313-1 et suivants du Code de la consommation relève de la prescription biennale visée à l’article  L. 218-2 du Code de la consommation.

La principale subtilité qui est peut être relevée au sujet de cette prescription est celle du point de départ de l’action.

Pendant un certain temps, le point de départ de la prescription était « premier incident de paiement paiement non régularisé » (Cass. civ. 1ère, 10 juill. 2014, 13-15.511; Bull. civ., I, n° 138), c’est à dire antérieurement au courrier prononçant la déchéance du terme  (Cass. civ. 1ère, 3 juin 2015, n° 14-16950; Bull. civ., n° 6, I, n° 130) ou du commandement de payer qui pourrait être adressé par la suite … Ainsi, une action introduite plus deux ans après le « premier incident de paiement paiement non régularisé » était prescrite.

Cependant depuis un arrêt 11 février 2016 (Cass. civ. 1ère, 11 févr. 2016, 14-22.938, Bulletin d’information 2016, n°844, I, n° 906), la Cour de cassation indique que : « la prescription se divise comme la dette elle-même [par échéances mensuelles dans le cas d’un crédit immobilier] et court à l’égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte que, si l’action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d’échéance successives, l’action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité »

Malgré ce revirement, le délai de prescription se révèle toujours favorable aux emprunteurs, et les établissements de crédit se laissent parfois surprendre par le délai.

2 – LES CONDITIONS DE LA DÉCHÉANCE NE SONT PAS REUNIES.

Il convient toujours d’examiner les conditions de la clause de déchéance figurant dans les conditions générales de l’offre de prêt et qui exigent généralement une mise en demeure préalable de la part de la Banque lorsqu’elle constate que des échéances sont impayées.

En effet, généralement, ces clauses prévoient que la déchéance du terme sera prononcée si les impayés n’ont pas été régularisés dans un certain délai. L’emprunteur doit donc être informé de sa défaillance et pouvoir régulariser la situation.  

La déchéance du terme ne peut par exemple pas être déclarée acquise au créancier, sans la délivrance d’une mise en demeure dûment réceptionnée par l’emprunteur (Cass. civ. 1ère, 22 juin 2017, n°16-18.418, Publié au bulletin ; Cass. civ. 1ère, 13 mars 2019, 17-27.102, inédit).

Inversement, la délivrance d’une mise en demeure se suffit à elle-même et la banque n’est alors pas tenue de notifier la déchéance du terme si à l’expiration du délai indiqué dans la mise en demeure adressée à l’emprunteur, les échéances n’ont pas été réglées (Cass. 1ère civ., 10 nov. 2021, n°19-24.386 ; Publié au bulletin ).

Il y a donc lieu d’examiner attentivement la clause et les différents courriers reçu par l’emprunteur afin de se faire y avis sur la régularité d’une action en remboursement. De même, une étude minutieuse des sommes réglées ou non est nécessaire pour confirmer ou non la défaillance de l’emprunteur.

3 – LA RESPONSABILITÉ DE LA BANQUE AU TITRE DE SON DEVOIR DE MISE EN GARDE.

Depuis plusieurs années, la Cour de cassation retient la responsabilité de l’établissement de crédit qui manque à son devoir de mise en garde (Cass. civ. 1ère, 12 juillet 2005, n°03-10.921, Bull. civ. I, n° 327 p. 271). 

Le devoir de mise en garde est fonction du risque de surendettement pour l’emprunteur (Civ. 1ère, 12 mars 2009, n°08-10.880, inédit ; Com., 12 mai 2009, n°08-15.253, inédit). Afin de déceler cet éventuel risque et de mettre en garde son co-contractant à son sujet, la banque doit s’efforcer de rassembler les informations utiles sur la situation de l’emprunteur (Civ. 1ère, 26 sept. 2006, n°04-20.508, inédit) et prendre en compte ses capacités financières (Civ. 1ère, 18 sept. 2008, n°07-17.270, Bull. civ., I, n° 203).

Le devoir de mise en garde ne concerne que les emprunteurs non avertis, et donc les consommateurs. 

Le préjudice réparable est celui de la perte d’une chance de ne pas avoir contracté (Com., 20 oct. 2009, n° 08-20.274, Bull. civ. IV, n° 127 ;  Cass. civ. 1ère, 5 mars 2015, n°14-11.205, inédit)

La Cour de cassation admet un préjudice quasi égal au montant des sommes dues (Cass. com., 8 nov. 2011, 10-23.662), car la réparation de ce préjudice ne peut pas non plus constituer un bénéfice pour l’emprunteur.

Ainsi par compensation de la condamnation de l’établissement de crédit, l’emprunteur peut parfois échapper au remboursement du capital restant dû, et des pénalités.

4 – LA REQUÊTE AUX FINS DE DÉLAIS DE GRÂCE.

Que les moyens de défense de l’emprunteur soit sérieux ou non, ce dernier n’a généralement pas les moyens de régler sa dette immédiatement.

Il est souvent judicieux de saisir rapidement le juge des contentieux de la protection d’une demande de délais de grâce sur le fondement des articles L. 314-20 du Code de la consommation, et 1343-5 du Code civil, parfois même avant que des difficultés de règlement des échéances n’interviennent.

Le juge peut ainsi « compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. » ;

Le principal attrait de cette demande est qu’elle peut être formée par requête, dans des formes assez libres, le juge statuant par ordonnance non contradictoire et sans audience.

Une fois l’ordonnance obtenue, ces délais de grâce peuvent éventuellement favoriser une reprise des paiements auprès de l’établissement de crédits, lequel est contraint de patienter deux ans pour reprendre les poursuites … 

***

La liste de ces moyens de défense et leur contenus ne sont bien entendu pas exhaustifs, et de nombreux autres moyens, notamment procéduraux, existent afin d’échapper au remboursement du crédit,  ou à tout le moins d’en réduire le montant (calculs erroné des intérêts et du taux effectif global dont le cabinet est expert) ainsi que de soulever l’irrégularité de la procédure aux fins de condamnation ou aux fins de saisie.

Notre cabinet d’avocat vous assiste et vous représente en cas de litige avec votre banque. 

Vous pouvez nous joindre :    

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